Mehr licht!

(plus de lumière!)



  • credit photos: Cyrille Cauvet

     

    Nicht mehr

         (un texte écrit pour l’exposition Mehr licht!)

    La haute mer me faisant peur, je vise le phare qui me pointe. Nécessité d’être rassuré, de savoir où je dois me trouver si je me suis perdu. On me le dit cent fois, le phare attire les cailloux. Récifs, écueils. Je coule en flottant, je me traverse, je m’use à tout ce voyage. Je prends forme, je vole les durées, je m’enrichis de ce que je sais glaner, bijoux en souvenirs, accidents en caresses. Ah, cette plage des tentations, univers décomposé. Eau air bois ou métal, j’évite le feu sinon offert par un trajet de soleil, en pointillés dans l’élargissement de mon âge, j’ai le temps, je lui appartiens, nous parcourons ma peau et me voici planté là, enfin, disponible. 

    Attendre, échappant aux vagues, rêver, dormir peut-être.

    Les transformations comme les éclosions sont attendues qui forment les plis et les coins et les cachettes possibles aux sentiments. Ma stagnation me donne l’apprentissage de ces observations, je vois qu’on me voit, je suis ce qu’on voit de moi, je me cache et me révèle. Un miroir passerait, aurais-je une image ? Me serais-je ressemblant ? Serais-je accompli ? Ou dois-je envisager d’autres fuites, d’autres espaces et les usures qui m’y seront offertes ? Passeraient des anges en mannequins ou des armées en déroute, j’aspire à me planquer. Qu’on me pose dans ce coin, qu’on m’oublie, j’ai fait le taf. Qu’on m’admire, parfois, dans une seconde de détresse ou de négligence, ça fait briller mes rondeurs. Je reviens ensuite aux silences cherchés entre les bruits et parfois les musiques et parfois les mots. Je veux que ce soit fini. Juste un peu encore, dans l’encore qui s’est lassé, je me souhaite une belle immobilité.

    Pierre Rochigneux (décembre 2024)